Ouest de la Forge

Ouest de la Forge.
PJ : Mistraella, Kyeral, William.

C'est de là que proviennent les murmures. Des complaintes étranges que seuls Mistraella et Kyeral entendent...
Les galeries sont étroites, humides. La Forge en elle-même ressemble d'avantage à une mine. Et apparemment ils ne sont pas seuls. Une présence marche un peu plus loin devant eux.

Le paysage était désolé, désert. Un vent chaud soufflait avec hargne, soulevant les grains de sables venant fouetter la capuche blanche d'un nain adossé contre les ruines d'un Zepplin à-demi enseveli.

- Une tempête se prépare... - maugréa-t-il dans sa barbe soigneusement taillée. - Il enfonça sa main gantée dans une poche de sa pèlerine, et en sortit un petit écrin d'argent finement ciselé, qu'il ouvrit habilement. Il renifla quelques grains de tabac, avant de refermer l'écrin et le ranger.

- Et cette vieille carcasse n'est pas prête de pouvoir revoler un jour... bougonna-t-il derechef en donnant un coup de pied à la carcasse. Bah, je ferais mieux de m'abriter avant de finir six-pieds-sous-sable!

S'apprêtant à entrer dans l'appareil, il marqua une pause, visiblement perturbé.

- Mais...

Il se retourna, et huma l'air, les yeux écarquillés.

- Ça sent le Yokkai!

Animé d'une force soudaine, il pénétra dans la ruine et se hâta de ramasser tout ce qui pouvait lui servir de combustible : papier, mobilier en ruines, etc... qu'il s'empressa d'entasser dans le cockpit défoncé, avant d'allumer le tout.
Une épaisse fumée noirâtre s'échappait de celui-ci, tandis que le nain s’abritait, attendant impatiemment cette nouvelle rencontre...

L'endroit était étrange aux yeux du jeune félin, qui trouvait que ça ne ressemblait pas aux autres forges qu'il avait pu voir. "Peut-être y forge-t-on autre chose que du métal" se dit-il, alors qu'il contemplait la salle dans laquelle le groupe se trouvait. Ils allaient devoir se séparer pour pouvoir explorer l'endroit, et trouver ce qu'ils cherchaient. Mais que cherchaient-ils au juste ? Kyeral n'avait pas réussi à tout comprendre, depuis que le vieux l'avait fait atterrir ici par magie, il ne comprenait pas tout ce qui se passait, et son esprit avait été mis à rude épreuve avec l'enchaînement un peu précipité des derniers évènements.
Mais la direction qu'il devait prendre ne faisait aucun doute alors qu'il percevait un étrange murmure qu'il avait déjà entendu, venant d'une des directions sur lesquelles s'ouvrait l'endroit. C'était ce murmure qui avait plongé Mistraella dans le sommeil, et Kyeral sentit que si seuls eux deux pouvaient l'entendre, c'est qu'il y avait une raison, et que quelle qu'en soit l'origine, ça pouvait sans doute réveiller la Laguz.

Toujours endormie, Mistraella ne protesta grandement quand le félin la prit dans ses bras, proposant à la personne qui la portait de la décharger de ce fardeau. Kyeral n'était pas bien fort, mais il pouvait la prendre dans ses bras sans problème. Il ne pouvait pas s'empêcher de rougir et se sentir un peu gêné, de tenir ainsi si près de lui une jeune femme qui dormait si paisiblement, sa poitrine se soulevant doucement au rythme de sa respiration.
Il posa ses yeux sur son visage. Leurs races étaient parentes, Laguz et Yokkai n'étant pas si différents, et pourtant en la regardant, elle qui avait l'air si innocente et mignonne, par rapport à lui qui n'avait pas même les yeux de la même couleur, et le cœur marqué par la peur...

Abandonnant ses réflexions, il s'aperçut que le groupe se dispersait, et il fit de même, empruntant la voie d'où provenait les voix, serrant contre lui Mistraella en espérant la tirer de ce sommeil. Bien vite il fut plongé dans le noir, et il ne pouvait pas vraiment y voir malgré ses très bons yeux, s'il y avait eu ne serait-ce qu'un soupçon de lumière il aurait pu percevoir quelque chose, mais pas dans l'obscurité la plus totale. Cependant, il pouvait encore suivre les voix, et c'était sans doute le plus important.
Les galeries étaient humides, mais au bout d'un moment il y eut une légère odeur de fumée, ce qui intrigua le jeune félin. Y avait-il quelqu'un d'autre dans cet endroit ? Et qui dit feu, dit lumière, et une paire de bras supplémentaire n'aurait pas été du luxe pour évoluer dans les galeries obscures. Suivant le chemin qui remontait vers cette odeur de fumée, il fut arrêté par une pensée : et si celui ou celle qui avait fait ce feu lui était hostile ? Un risque à prendre, mais si le Yokkai continuait, c'était avec un soupçon de peur.
L'air devint plus frais et Kyeral commença à y voir. Il n'avait pas beaucoup marché, et ne devait pas être très loin de la forge. Cela pouvait-il être des Yokkais ? Il n'aurait pu les sentir avec cette fumée. Fumée qui s'échappait d'un drôle d'engin, qui semblait s'être écrasé près de l'entrée du tunnel duquel il sortait.

-Il y a quelqu'un ? Demanda-t-il un peu timidement.

William, les sens en alerte, écarta légèrement les pans de sa pèlerine. À sa ceinture, un holster de cuir finement ciselé dans lequel était rangé un véritable joyau de technologie. Sa main gantée de velours caressa doucement la crosse de son revolver, avant de le dégainer avec une vélocité peu commune. D'un mouvement habile et expérimenté, il fit sortir le barillet et vérifia ses munitions.
Plein.

- Bien... murmura-t-il de sa voix rauque. Mieux vaut être paré à tout. Le Yokkai de cette région ne doit pas être amical...

Il réajusta le barillet, et le garda en main, dissimulé sous sa pèlerine.

- Je me demande ou sont ces crétins de Yorg et Torg... songea-t-il à voix haute. Bah, sans doute morts dans l'accident.

Au loin, une silhouette apparut...

- Par les Dieux, un Yokkai!

Il bondit derrière un morceau de tôle froissée, afin de se mettre à couvert, et mit le monstre en joug.

- Il y a quelqu'un ? demanda une voix peu assurée, presque chevrotante.

William tiqua. Un Yokkai parlant le commun, intelligent...ici? Impossible!

- Amis ou ennemis? Beugla-t-il pour passer outre le cri du vent. Si vous êtes ennemis, je vous conseille de repartir de suite, sinon il vous en coûtera.

Comme pour mettre un point final à sa phrase, il tira juste aux pieds du Yokkai, qui fut éclaboussé par la terre et le sable.

Le vent soufflait fort, et les alentours étaient visiblement déserts, excepté la présence de la carcasse fumante. Cependant, il était fort probable qu'il n'y ait personne de vivant, vu les dégâts ; mais Kyeral ne pouvait en être sûr vu ses piètres connaissances pour ce genre de choses. Les environs étaient déserts, et la végétation ne poussait guère, mais avec la présence d'un tel vent ce n'était guère étonnant. Le Yokkai était prêt à laisser tomber quand une voix se fit entendre par-dessus le souffle du vent.

- Amis ou ennemis ? Hurla la voix, pour se faire entendre clairement. Si vous êtes ennemis, je vous conseille de repartir de suite, sinon il vous en coûtera.

Suite à ces paroles, un coup de feu heurta le sol aux pieds du félin qui sursauta, tant à cause de la détonation que de la sensation de danger qui lui étreignit le cœur ; par réflexe, il esquissa un pas en arrière, qui fut un peu maladroit. S'emmêlant les pattes, le jeune semi-chat trébucha et chut. Il savait que le sol se rapprochait dans son dos, l'envie ne lui manqua pas d'amortir le choc de ses mains ou en se retournant pour tomber sur ses pattes, mais il aurait dû lâcher Mistraella, et cela, il ne pouvait se résoudre à le faire.
Serrant les crocs, retenant sa respiration, il se prépara du mieux qu'il put au choc sur le sol. Un cri de douleur s'échappa d'entre ses dents serrés alors que sa tête résonnait douloureusement du choc contre le sol dur ; cependant, Mistraella n'avait rien, toujours dans ses bras, son corps endormi gardait cette expression de calme, de sérénité.

Kyeral se redressa doucement, assit sur le sol, la Laguz dans ses bras. Il la regarda un instant, incertain, puis se releva difficilement, avant de l'allonger par-terre avec précaution, et de faire face à celui qui lui avait tiré dessus, encore moins confiant qu'il ne l'aurait été en retournant seul dans le tunnel obscur...

-J'ai besoin d'aide, mon amie est inconsciente et mes compagnons partis je-ne-sais-où ! Pourquoi pensez-vous que je...

Le félin s'arrêta net, réalisant soudain la raison de l'hostilité de celui se trouvant devant lui ; la queue et les oreilles que Kyeral arborait était assez évocatrice de sa parenté : il était un Yokkai, et en ces temps, tout le monde détestait les Yokkais. Même si sa race avait donné de nombreuses raisons d'être méprisée par les autres peuples, ces derniers oubliaient bien vite qu'avant cela, les Yokkais formaient une peuplade relativement paisible.
Les oreilles basses et la mine déconfite, un soupir s'échappant d'entre ses lèvres, Kyeral se pencha pour prendre à nouveau dans ses bras Mistraella, qu'il serra un instant contre lui. Elle au moins s'était montrée gentille avec lui, et pouvait comprendre ce qu'il vivait, même si pour l'heure elle avait succombé à un charme que le félin ne comprenait pas.

-Laissez tomber, je vais me débrouiller seul. Il lâcha un nouveau soupir. Il est regrettable de voir que tout un peuple peut être condamné pour les erreurs d'une majorité d'entre eux...

Kyeral s'était résigné, l'inconnu qui avait osé tirer à ses pieds ne semblait pas comprendre qu'il était différent de ses frères. Il était dépité et se demandait intérieurement quelle issue il pouvait envisager. Si il faisait demi-tour il regagnerait le hall de la Forge et dans ce cas il n'aurait pas exploré cette zone. Et si il cherchait à dialoguer, l'homme ne chercherait pas à écouter ce qu'il avait à dire... De plus Mistraella sommeillait toujours... Elle avait entendu la première les gémissements qui provenaient en direction de l'homme...

Ces mêmes gémissements qui reprirent à l'instant où il y songea.
Les pas de l'inconnu reculèrent vers le fond et il laissa échapper un hoquet de stupeur avant de marmonner en langage Yokkai. Les oreilles de Kyeral remuèrent lorsqu'il reconnut son dialecte... Comment connaissait-il sa langue...?!


William se pencha sur 3 Yokkais qui geignaient à en fendre le cœur. La partie Ouest de la Forge s'était détruite lorsque le zeppelin de ce dernier s'était craché dessus. Une bourrasque âcre plaquait sa toge blanche sur son corps rondouillard. Bien bien, il savait déjà quoi faire.

Que dire, que faire ? Le Yokkaï était perdu, il avait comme un goût amer dans la bouche et hésitait à replonger dans les ténèbres. Seulement, en tendant l'oreille, il put entendre, déformé par le vent, les murmures sibyllins s'élever à l'opposer du tunnel d'où il venait. Apparemment s'était diriger là où il devait aller, et un homme peu amical l'empêchait de passer. Cependant, un évènement inattendu se produisit.

-Je suis si heureuse d'être enfin... De retour et que tu n'aies rien...

Mistraella enfin sortait de sa léthargie, et une sensation euphorique se saisit du jeune félin, bien vite rattrapé par la gêne quand elle se serra contre lui en prononçant ces quelques mots. Il avait les joues rouges, mais un sourire soulagé ne le quitta pas. Il s'était fait beaucoup de souci pour elle, même s'il n'avait pas vraiment fait plus amplement connaissance depuis leur apparition chez le vieux, il se sentait plus proche d'elle, sans doute à cause de leur ascendance plus ou moins commune.

-Non je n'ai rien, et toi ? Qu'est-ce qui s'est passé ? J'ai eu peur, peur pour toi, que tu ne te réveilles pas...

Kyeral serra contre lui la Laguz, tout en faisant glisser ses bras afin de lui permettre de mettre pied à terre, toujours un peu rouge à cause de cette timidité qui lui collait aux poils. Il se tourna ensuite vers la voie qu'il devait emprunter, et la carcasse fumante de l'engin qui s'était crashé non loin d'eux.

-J'ai suivis les murmures en espérant trouver de quoi t'aider, mais j'ai été bloqué par un malotru qui a une dent contre les nôtres...

Ses oreilles se baissèrent et il détourna le regard. Le Yokkaï se sentait mal d'avoir ainsi reculer devant le problème, et encore plus de s'en remettre à l'avis de Mistraella pour espérer qu'il puisse continuer leur quête. Mais il n'était qu'un chaton qu'un homme agressif pouvait assez facilement impressionner, surtout s'il est armé. Il resta donc silencieux, posant ses yeux loin de la Laguz renarde sans se départir d'un peu de pourpre sur ses joues.